Ada,
Souleiman m’a parlé de toi dans la pirogue. Tu sais quand tu vis tes derniers instants, tu dis ce que tu as sur le cœur. Il m’a dit qu’il s’en voulait tellement de ne pas t’avoir dit au revoir. Il ne pouvait pas te dire. Aucun de nous ne le pouvait. Tu étais son grand amour. Il voulait revenir pour toi. Être à toi. Il était environ 5h du matin. Il faisait calme dans la pirogue. Comme le jour se levait, les gars étaient silencieux. J’ai vu au loin une montagne. J’ai pensé qu’on était arrivés car j’ai vu au loin une montagne. J’ai pensé qu’on était arrivés en Espagne, qu’on allait enfin pouvoir vous appeler. J’ai crié de joie! Et puis tout est allé très vite. Un vent violent a fait trembler la mer. Nous étions tétanisés par la force des vague. Certains bondissaient de peur. D’autre pleuraient de détresse. Ce que je croyais être une montagne était une vague. Immense. Elle a soulevé notre pirogue qui s’est effondrée comme un immeuble. Nous avons été projetés au fond de la mer.
Texte du film Atlantique de Mati Diop