2014 | |
R&D |
Ce projet s'interroge sur l’une des catastrophes sociales et économiques de notre époque.
En l’an 2000, l’Organisation Mondiale de la Santé mettait les gouvernements en garde contre une « épidémie globale d’obésité très contagieuse ». Les campagnes de santé publiques successives ont incité aux régimes alimentaires et au contrôle individualisé de l’alimentation, notamment par le biais de campagnes d’information du type « manger trois légumes et un fruit par jour minimum », « éviter de grignoter », etc. Mais les statistiques ne trompent pas : ces stratégies d’endiguement de la contagion n’ont pas été efficaces.
Dans un article récent, Claude Fischler (sociologue) a émis l’hypothèse que l’impact des campagnes de santé publiques a été peu probant parce que celles-ci ont renforcé la tendance à l’individualisme alimentaire. Or, l’acte de manger ne relève pas prioritairement de l’individu. Le fait de manger ensemble, la commensalité, est une constante anthropologique : les humains ne mangent pas seuls, mais en compagnie. Dans cette perspective, la tendance croissante aux préférences alimentaires (sur les horaires, les manières et les types d’alimentation) complique et raréfie les moments de commensalité : comment faire table commune avec des personnes qui affirment leurs propres normes alimentaires ?
Dès lors, faire face à l’obésité reviendrait à préserver la commensalité. Cette dernière apparaît en effet comme un enjeu majeur si l’on admet – et c’est notre hypothèse – qu’elle constitue un dispositif fondamental de l’équilibre physiologique. Penser que le fait de manger ensemble et attablé pourrait juguler une catastrophe à venir laisse rêveur.
Il s'agit d’interroger cette hypothèse par la scène. Elle est intéressante au-delà du problème de santé publique car elle est à l’interface de l’intime et du social, du niveau individuel et du niveau politique et, aussi, parce qu’elle sous-tend une nouvelle forme de solitude qu’il s’agit de décrypter.
Qu’y a-t-il au delà des premiers clichés qui viennent à l’esprit - tel le garçon obèse mangeant des chips devant la télévision pendant que sa mère, forcément divorcée, fait des ménages ? Qui est ce garçon et, en quoi est-il chacun de nous ? Nous sommes tous des obèses en puissance, qu’un petit rien peut révéler. Nous aimerions trouver ce petit rien en ramenant la problématique au plus proche de l’intime du spectateur.
Cette recherche constitue la phase d’expérimentation d’un projet de création théâtrale mené par la compagnie Jours tranquilles (Fabrice Gorgerat) dont le résultat sera présenté lors de la saison théâtrale 2014-15.
Fabrice Gorgerat, metteur en scène
Yoann Moreau, ethnologue EHESS/CNRS, physicien
ont été associé.e.s
Fiamma Camési, comédienne
Anabel Labrador, comédienne
Marion Duval, comédienne (diplômée Manufacture 2009), metteure en scène
Cédric Leproust, comédien (diplômé Manufacture 2012)
Marco Berrettini, danseur, chorégraphe
Estelle Rullier, scénographe
Yoris van Den Houte, régisseur
Aurélien Chouzenoux, compositeur, ingénieur son
Isis Fahmy, stagiaire, étudiante Master Mise en scène (diplômée Manufacture 2012)
Claude Fischler, anthropologue
Odette Masson, pédopsychiatre
Jean-Philippe Assal, endocrinologue
Du 10 au 19 novembre 2014
GORGERAT, Fabrice, « Manger Seul», Théâtre de l'Arsenic, Lausanne